Accident de circulation d’un salarié, quels risques pour l’employeur?

Nous avons interrogé maître Flavien Combeaud, désormais avocat au cabinet Jaberson à Marseille, pour répondre à cette question.

Prenons un cas concret : Un employé vient d’occasionner un accident corporel de la circulation :

  • Dans son dossier salarié, les enquêteurs ont retrouvé 2 constats amiables d’accidents avec tiers.
  • Ce conducteur n’a eu ni d’entretien suite à ces 2 précédents accidents, ni de formation.
  • Le DUER a bien un chapitre risques routiers mais les accidents de la circulation n’y sont pas référencés.
  • L’entreprise fait, tout de même, des sensibilisations collectives lors de la semaine de la mobilité.
  • Quels risques encourt l’employeur au regard du code du travail ?

Les causes de responsabilités civiles de l’employeur sont potentiellement multiples en pareilles circonstances.

En premier lieu, l’employeur sera par principe tenu civilement responsable des dommages causés par son salarié dans le cadre de ses fonctions.

En effet, en application des dispositions de l’article 1242 (ancien 1384) du Code civil, l’employeur est par principe (et sauf exceptions très limitativement encadrées) responsable des dommages causés à autrui par l’un de ses salariés.

Au-delà de cette responsabilité civile, sans faute, à l’égard du tiers victime du dommage, l’employeur pourra également voir sa responsabilité recherchée par le salarié concerné, en application des dispositions tant du Code du travail que de celles du Code de la Sécurité Sociale.

1) Sur le volet « sécurité sociale »

Cet accident, constituant à priori un accident du travail (survenu au temps et au lieu de travail) devra en premier lieu faire l’objet d’une déclaration par l’employeur.

Le salarié pourrait par la suite agir en vue de voir reconnaître l’existence d’une faute inexcusable de l’employeur et ainsi de solliciter une majoration de sa rente, ainsi que l’indemnisation de préjudices éventuellement non indemnisés.

La reconnaissance d’une telle faute suppose que le salarié démontre que l’employeur « avait ou aurait dû avoir conscience du danger (en l’occurrence le risque routier) et n’avait pas pris les mesures nécessaires et suffisantes pour assurer la protection de la santé et la sécurité du salarié ».

En l’espèce, malgré la survenance de deux accidents antérieurs, l’employeur n’a pas identifié de risque tenant à la survenance d’accident de la circulation dans le document unique d’évaluation des risques professionnels. De même, suite aux accidents précédemment survenus au salarié, aucun entretien n’a a priori été tenu, ni aucune formation suivie (ou même proposée ?) par le salarié.

De tels éléments pourraient être retenus par le juge pour reconnaître l’existence d’une faute inexcusable.

Si la réalisation de sensibilisations lors de la semaine de mobilité pourra être prise en compte par le juge, encore faudra-t-il que cette réalisation soit démontrée (ce qui suppose qu’elle ait été tracée) et qu’elle soit jugée suffisante (ce dont il est permis de douter).

   2) Sur le volet social

Sur le terrain du droit du travail pur, le salarié pourrait solliciter la condamnation de l’employeur devant le Conseil de Prud’hommes, pour :

– Manquement à l’obligation de sécurité :

Sur le fondement des dispositions de l’article L. 4121-1 du Code du travail, tout employeur est tenu prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

En l’espèce, il apparaît que le salarié concerné pourrait soutenir que son employeur, en ne mettant, a priori, aucune action en place suite à des accidents intervenus préalablement, a manqué à cette obligation.

Surtout, l’absence d’identification du risque d’accident dans le DUER et de mesures destinées à le prévenir, pourra être mise en avant au soutien d’une telle demande de condamnation.

– Manquement à l’obligation de formation et d’adaptation:

En application des dispositions de l’article L. 6321-1 du Code du travail, tout employeur est tenu à l’égard de ses salariés, d’une obligation de formation et d’adaptation au poste.

Ainsi, très certainement la survenance de deux accidents préalables aurait dû conduire l’employeur à faire bénéficier son salarié d’une formation à la conduite ou à tout le moins d’une sensibilisation aux risques liés à celle-ci et notamment aux risques d’accident, en vue de leur prévention.

Devant le Conseil de Prud’hommes, de tels manquements peuvent le cas échéant donner lieu à des condamnations au paiement de dommages et intérêts, en fonction du préjudice dont le salarié arrive à apporter la preuve.

Il est donc primordial, pour limiter ces risques d’engagement de la responsabilité, que l’employeur mette en place une politique de prévention des risques adaptée à son activité et évolutive, ainsi qu’une politique de formation efficace.

Une politique de prévention du risque routier, ainsi qu’une politique de formation ne s’improvise pas. Demandez conseil à LVR et à un avocat pour une démarche conforme aux articles L. 6321-1 et L. 4121-1 du Code du travail. Consultez notre article Les 9 étapes d’un Plan de Prévention du Risque Routier

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